Bâtisseur de mémoire

Pierre Courtade
Les Archives départementales fêtent les 20 ans d’un bâtiment unique. Pierre Courtade, son architecte, également maître de conférences à l’école d’architecture de Toulouse, revient avec émotion sur la belle aventure de la naissance de ce lieu de mémoire.

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Le bâtiment des Archives fête ses 20 ans. Comment est né ce projet ?
Pierre Courtade. J’étais un jeune architecte et j’avais décidé, depuis 1995, de faire ma route seul après une expérience en cabinet. À l’origine, c’est Philippe Vigneu qui a voulu répondre à l’appel d’offres pour construire le nouveau bâtiment des Archives de l’Aude. Nous avons fait connaissance par un ami commun. Il est venu dans mon agence et je lui ai montré ce que je faisais. Il a été séduit par les petits projets que je menais et m’a dit : tu porteras le programme ! Le cabinet Atelier des Mathurins, basé à Paris, a accepté de s’occuper de la mise en forme informatique et il nous a laissé la conception et l’exécution du chantier. Nous étions une vraie équipe, avec chacun son rôle !

Qu’est-ce qui fait l’originalité de ce bâtiment ?
P. C. Il nous a semblé qu’un bâtiment, qui a à voir avec la mémoire, devait être intemporel. C’est aussi un bâtiment culturel, comme l’entendait la conservatrice des Archives d’alors, Sylvie Caucanas, avec une salle de lecture de belle capacité et une salle d’exposition. Il fallait aussi garder à l’esprit, qu’ici, on archive des documents, et donc respecter, dans la conception, la règle des 4 C : collecter, classer, conserver et communiquer. Il fallait aussi un bâtiment en ordre ; cela renvoie au dessin du plan, à la lisibilité du projet. 

Laisser la place à l'émotion des espaces

Vingt ans après, ce bâtiment n’a pas vieilli ?
P. C. Si ce projet a une qualité, c’est le soin porté aux détails. Il avait été retardé suite aux inondations de 1999 et son budget revu à la baisse. Avec Philippe, nous avons décidé d’épurer le dessin et d’aller encore plus loin dans le détail ! Nous avons fait le choix de matériaux pour qu’ils se patinent plutôt qu’ils ne s’usent. L’idée était de ne pas aller chercher les effets de mode mais de laisser la place à l’émotion des espaces.

Quels étaient les principales problématiques à résoudre ?
P. C. Il y en avait plusieurs bien sûr. Sur la question de l’acoustique de la salle de lecture, par exemple, nous avons pensé que la meilleure solution était de ne pas faire de bruit. Pour cela, nous avons joué sur l’émotion que crée l’espace ; que l’on s’y sente en paix. Quand le public pénètre dans la salle de lecture, il entre dans une petite chapelle romane. Il y a peu de choses, des lignes épurées, comme pour le mobilier que nous avons conçu. Mais il y a une présence renforcée par la vue que nous avons captée. C’est l’architecture et non la technique qui crée la réponse.

Vous êtes très attaché à l’Aude. Le choix des matériaux en est l’expression ?
P. C. Les géographes appellent l’Aude, la petite France. Jeune, je l’ai arpentée avec une carte routière que je surlignais au fluo au fur et à mesure de mes découvertes. Il n’existe pas une route qui m’ait échappée ! Je regardais, je dessinais et j’ai pris alors conscience de la diversité de l’Aude. J’ai souhaité, au travers des matériaux choisis pour les Archives, que l’on retrouve cette diversité : des bois de nos forêts à la caillasse de nos Corbières, en passant par l’aspect minier d’une partie de la Montagne Noire.

Comment définiriez-vous votre profession ?
P. C. Le travail de l’architecte, c’est de construire les espaces propices au développement des activités de l’homme. Nous sommes un peu comme des inventeurs qui concrétisent les idées qu’ils ont en tête. Nous composons des choses que nous avons imaginées, issues de l’expérience vécue, de voyages, de lectures. Aujourd’hui, je peux quitter ce métier sans regret en me disant : « tu as fait le boulot » [rires].

BIO EXPRESS
Avril 1958. Naissance à Carcassonne. Ses parents sont employés de commerce.
1976. Pierre décroche son bac D au lycée Saint-Stanislas.
1984. Il obtient son diplôme d’architecte DPLG et part voyager en Chine et au Japon en 1986.
1998. Il gagne le concours pour les Archives avec Philippe Vigneu et le cabinet parisien Atelier des Mathurins.
2005. Pierre Courtade devient maître de conférences à l’école d’architecture de Toulouse où il enseigne depuis 1986.