Biodiversité, Faune, Zones humides

Le Pélobate cultripède, un amphibien rare secouru par les associations naturalistes

Le pélobate cultiprède
© Jean Murtatet (ECODIV)

Le Pélobate cultripède (Pelobates cultripes)  est un amphibien que l’on trouve dans le Sud Ouest de l’Europe avec, pour la France, une présence en région méditerranéenne, dans l'Aude notamment, et sur la façade atlantique. L'espèce est en déclin, avec des populations de petites tailles et isolées. Les causes sont connues, mais il reste encore beaucoup à découvrir sur ce batracien. Pour y remédier, des actions de préservation portant notamment sur les habitats de reproduction sont menées. 

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Une morphologie très typique qui lui vaut le surnom de "crapaud à couteaux"…

Le Pélobate cultripède appartient à la famille des anoures : la larve est aquatique sous forme de têtard, et l'adulte est dépourvu de queue. Il est de coloration variable, mais généralement jaune-brun avec une taille importante, jusqu’à 9 centimètres de long.  Sa principale caractéristique est de posséder une lame cornée sur chacune de ses pattes postérieures, lui valant son surnom de "crapaud à couteaux".

Le Pélobate cultripède apprécie les zones ouvertes de basse plaine (étendues sableuses, pelouses pâturées...). Lors de sa reproduction, il aime fréquenter les zones humides profondes et ensoleillées telles que les mares temporaires ou permanentes, les abreuvoirs, les marais… Amphibien nocturne, il passe ses journées enfoui dans son terrier, qu’il a lui-même creusé grâce à ses lames cornées. Il est ainsi capable de creuser un terrier jusqu’à … 50 centimètres de profondeur !

Une espèce d'amphibiens en danger

Depuis un siècle, la France a perdu près de 70% de ses zones humides, notamment à cause de l’agriculture intensive, de la régulation du débit des cours d’eau et du développement de l’urbanisation. Cette perte conduit à une dégradation, voire à une destruction des habitats du Pélobate cultripède. À cela, s’ajoutent la pollution des eaux qui devient de plus en plus impactante, ainsi que le réchauffement climatique, qui vont détériorer davantage les zones habitables restantes.

Un autre problème de taille existe également : l’introduction d’espèces exotiques envahissantes. En effet, ces espèces, telles que l’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii) et certains poissons, se nourrissent, entre autres, des têtards et œufs d’amphibiens. Malheureusement trop présentes dans nos zones humides, elles nuisent au développement des populations du Pélobate cultripède et de l’écosystème des milieux aquatiques en règle générale.

Des actions dans l’Aude pour un espoir d’amélioration de l’état de conservation de cet amphibien


C’est dans l’optique de préserver cet amphibien que la Fédération Aude Claire réalise des inventaires depuis quelques années, grâce à des financements du Département de l’Aude - dans le cadre de sa stratégie départementale pour la biodiversité - et de la réserve naturelle africaine de Sigean. Ces inventaires permettent de déterminer les sites pour lesquels sa présence, voire sa reproduction, sont avérées.

Grâce aux connaissances acquises, la restauration et la création de sites de reproduction peuvent avoir lieu. Sept sites seulement ont pu révéler la présence de cette espèce, après des recherches effectuées en 2022. Ainsi, par exemple, au printemps 2023, la Fédération Aude Claire a été contactée par une habitante de la commune de Ferran. Fervente défenseuse de la nature, elle s'alarmait de la présence d’amphibiens en nombre dans sa piscine… dont le Pélobate cultripède ! Les milieux aquatiques naturels voisins étant fortement dégradés, les amphibiens trouvaient refuge pour se reproduire dans ce bassin artificiel alors non chloré à ce moment de l’année.

Plus tard en saison, les têtards présents ont été transférés par la propriétaire dans un petit abreuvoir afin d’éviter leur destruction lors du traitement de la piscine. Or, cet abreuvoir ne pouvait offrir une solution durable. La Fédération Aude Claire, soutenue techniquement  par l’association Ecodiv et financièrement par le Département de l’Aude, a donc créé en mai dernier une mare de 12 m² sur la propriété en espérant offrir au Pélobate cultripède un lieu de reproduction plus favorable.  Des suivis naturalistes seront mis en place dans les années futures pour évaluer les bénéfices de cette action de conservation.

Plusieurs initiatives développées par des étudiants

D’autres initiatives ont été développées ou sont en projet grâce également à l’investissement d’étudiants. De 2019 à 2023, des projets tutorés ont été mis en œuvre par des étudiants du BTSA GPN (Gestion et Protection de la Nature) à Carcassonne, encadrés et commandités par la Ligue de protection des oiseaux (LPO) de l’Aude. Leurs objectifs étaient d’améliorer la connaissance de la répartition du Pélobate cultripède, de localiser les sites de reproductions du Sud Carcassonnais, de recenser les propriétaires des sites concernés, et enfin de creuser une mare chez un particulier.

Les étudiants ayant pris en charge ce projet tutoré, de début 2022 à début 2023, ont pu visiter 20 mares et plans d’eaux favorables à la présence de cet amphibien. Sur les 20 sites étudiés, six ont été jugés positifs pour l’espèce. Au total, 21 individus différents ont été identifiés. Les étudiants ont également eu l’occasion de creuser une mare de 7 m² sur le domaine viticole Gayda. Il s'agit d'un site à enjeux, avec 12 contacts de Pélobates cultripèdes recensés, où la présence d’un habitat dégradé posait problème.

De nouvelles actions, commanditées par la Fédération Aude Claire aux étudiants de Master 2 Gestion de la biodiversité (GBI) de Toulouse, vont ce dérouler sur cette année 2023-2024. Elles consisteront à travailler sur la détermination de nouveaux sites favorables au Pélobate cultripède dans le territoire du Razès. L’objectif des étudiants sera, dans un premier temps, de déterminer les stations pour lesquelles sa présence est possible, voire avérée. Et, dans un second temps, de hiérarchiser ces stations selon plusieurs critères, tels que la présence ou l’absence d’écrevisses de Louisiane et de poissons, le potentiel de colonisation du site par les espèces exogènes, la qualité du milieu aquatique et des milieux terrestres environnants, le niveau de risque de collision routière… Cette hiérarchisation permettra de déterminer les sites à prioriser pour la mise en place d’actions concrètes de conservation dans la droite ligne des premières initiatives.

Un plan de conservation régional de l'espèce en projet, voire au niveau national

La Fédération Aude Claire a pour projet de réaliser un plan régional de conservation avec le soutien de ses partenaires techniques et financiers : la réserve naturelle africaine de Sigean, le Département de l’Aude, la société herpétologique de France, Ecodiv, le conservatoire d'espaces naturels d’Occitanie, l’Office français de la biodiversité (OFB), l’association Herpéto-biomes, l’université Paul Sabatier - Toulouse III ainsi que la Ligue de protection des oiseaux (LPO Occitanie)

Ce document aura notamment pour objectif d’alerter la Direction régionale de l'environnement, l'aménagement et le logement (DREAL) Occitanie, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) et le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (RPN) sur l’urgence et l’importance de mettre en place des mesures de protection à plus grande échelle. Il pourra potentiellement amener à la création d’un plan régional d’actions, voire à un plan national basé sur des initiatives d’acquisition de connaissances, de création de mares, d’expérimentations, d’analyses génétiques, et de sensibilisation concernant ce patrimoine naturel peu connu.

  • Article rédigé avec l'aimable collaboration de la fédération Aude Claire et d'Alexiane Berthelot, stagiaire BTS GPN au lycée agricole Charlemagne de Carcassonne.