Session, Santé

Le Département "réservé" vis-à-vis du projet régional de santé

La présidente du Département de l'Aude Hélène Sandragné a présenté le rapport sur le projet régional de santé de l'ARS.
La présidente du Département de l'Aude Hélène Sandragné a présenté le rapport sur le projet régional de santé de l'ARS.

Le conseil départemental de l'Aude vient de rendre un avis réservé vis-à-vis du projet régional de santé 2023-2028 présenté par l'Agence régionale de santé. Il y déplore "la non prise en compte des spécificités des besoins des Audois". La collectivité y a adjoint des recommandations et préconisations pour le territoire audois.

Publié le

Le schéma départemental des solidarités non pris en compte dans le projet de santé pour l'Aude

"Un dossier majeur pour l'Aude". D'entrée, lors de sa lecture, la présidente Hélène Sandragné a rappelé l'importance de la délibération qu'elle a soumise au vote, ce jeudi 19 octobre, à l'assemblée départementale. Il s'agissait, pour les élus, de rendre leur avis sur le projet régional de santé (PRS) conçu par l'Agence régionale de santé (ARS) pour les 5 années à venir (2023-2028). Et plus particulièrement sur l'un des 13 schémas territoriaux de santé (STS), schéma déterminant pour l'Aude.

L'organisme aborde les questions de santé autour de 6 engagements (*) déclinés en 109 objectifs. Parmi eux, 12 ont notamment été identifiés comme étant prioritaires pour le département de l’Aude. Or, regrette l'assemblée départementale par la voix de sa présidente, le Schéma départemental des solidarités 2021-2025, élaboré par la collectivité, n'a "pas été pris en compte alors qu'il est un outil concerté de programmation qui établit les besoins des Audois et les actions à mettre en oeuvre dans le champ médico-social". Et qui aurait évité une inadéquation entre les mesures proposées par l'ARS et les besoins réels.

Pour rappel, le Département est confronté à "des enjeux majeurs de santé publique"

  • Une population vieillissante avec une part importante de personnes âgées
  • dépendantes et un accroissement des maladies chroniques
  • Une situation sociale dégradée en particulier dans les territoires ruraux
  • Des inégalités d’accès à l’offre de soins
  • Un taux d’équipements historiquement globalement inferieur à la moyenne régionale sur l’ensemble des fragilités

Ainsi, le STS pour l'Aude ne répond que partiellement ou insuffisamment à ceux-là.

L'Aude face aux six engagements du schéma régional de santé

1. Dynamiser et adapter la prévention et la promotion de la santé aux âges clés et aux milieux de vie

Sur ce point, l'ARS propose de : 

  • Prévenir les risques engendrés par l’implantation de nouveaux organismes à enjeu sanitaire
  • Faire évoluer les représentations sur la santé mentale

"Néanmoins au niveau de l’enfance, relève la présidente, la prévention et en particulier la prévention précoce en petite enfance et en parentalité est très peu représentée. (...) Le second objectif parait par ailleurs tout à fait accessoire et manque de précision, au regard des difficultés de prise en charge sur le territoire en matière de santé mentale. Aucun moyen
supplémentaire concret et pérenne n’est annoncé en termes de structure de prise en charge."

A la place, le Département propose de : 

  • Retenir comme priorité pour le département de l’Aude les objectifs d’améliorer le repérage et la prise en charge précoce des parents et enfants, et développer une offre psychiatrique périnatale
  • Mettre en place une campagne de dépistage précoce systématique dans les Etablissement sociaux ou médico-sociaux (ESMS)
  • Développer le dépistage et la prise en charge précoce de la vulnérabilité des personnes handicapées.
  • Prioriser des actions portées par les jeunes pour les jeunes notamment dans les contrats locaux de santé, les démarches d’aller vers en prévention et promotion de la santé de type bus dentaire, ainsi que les maisons des adolescents hors les murs.
  • S’appuyer sur le programme ICOPE existant pour déployer un dispositif intégré sur l’ensemble du territoire audois comprenant le repérage, l’évaluation et la mise en œuvre d’actions de prévention et de soin.

2. Accompagner chaque personne pour lui permettre d’être actrice de sa santé

L'ARS propose de : 

  • Renforcer le pouvoir d’agir des personnes vivant avec un cancer, une ou des maladies chroniques, des personnes vivant avec un trouble psychique et des personnes vivant avec un handicap et de leurs proches notamment par la psychoéducation, l’éducation thérapeutique des patients et la pair-aidance
  • Développer les usages de Mon Espace Santé et l’offre de services associée

Le Département met en garde contre "une dématérialisation systématisée sans prévoir d'autre alternative et qui interroge dans un département rural comme le nôtre". Il regrette par ailleurs que ne soit "pas proposé aux Audois d'actions de soutien des aidants et d’offre de répit, ni d’actions inclusives en leur direction".

3. Renforcer l’accès pour tous à une prise en charge adaptée aux besoins de santé sur l’ensemble des territoires

Là encore, l'ARS a retenu 2 objectifs pour l'Aude :

  • Développer la notion d’équipe traitante pluriprofessionnelle tout en recentrant l’activité sur les actes essentiels "le bon professionnel pour le bon acte"
  • Déployer le Service d’accès aux soins (SAS) et renforcer la régulation de la demande de soins non programmés

Or, pointe la collectivité, l'accent aurait dû être mis ailleurs, notamment concernant l'offre d'hébergement alors que le territoire est "sous doté en établissements sociaux et médico-sociaux" pour enfants, adultes, et personnes en situation de handicap. Préconisations qui ont pourtant été inscrits dans le schéma départemental des solidarités établi par le Département, listant avec précision les besoins en matière de création de lits en établissements spécialisés.

Le Département regrette aussi l'absence de projet pour favoriser "un accompagnement renforcé des personnes âgées à domicile".

Dans un même temps, il propose : 

  • D’organiser la réponse dans la prise en charge aux urgences des personnes handicapées en crise en lien avec les ESMS, ainsi que l’accès direct aux prises en charge spécialisées
  • La création de GEM Autisme, l’organisation des suites de parcours d’enfants bénéficiant de prise en charge en UEMA et UEEA
  • La diversification des solutions d’accompagnement : Lits d’accueil médicalisés (LAM) et Lits Halte soins santé (LHSS)

4. Renforcer la coordination des acteurs pour assurer la continuité des prises en charge et des accompagnements

Le Département adhère aux objectifs proposés par l'ARS : 

  • Assurer une articulation forte avec les dispositifs d’amont et d’aval (sanitaires, médico-sociaux, sociaux) afin de sécuriser les parcours des personnes le nécessitant avec une attention particulière pour les personnes en situation de précarité pour les maintenir ou ramener dans le droit commun
  • Développer l’usage des services numériques dans la coordination des parcours

Avec un avertissement tout de même, pour le second : "Sa déclinaison pratique pose question et ne peut se résumer à l’organisation d’une présentation de Spico (logiciel métier NDLR) à des professionnels ciblés"

5. Promouvoir et garantir la qualité, la sécurité et la pertinence des prise en charges et des accompagnements

L'Agence régionale de santé propose de :

  • Partager la culture "situations sanitaires exceptionnelles"
  • Initier ou développer le management par la qualité, notamment dans les ESMS et le premier recours (via les projets de santé des structures d’exercice coordonné)

Ce à quoi le Département ne s'oppose pas tout en y ajoutant un outil partagé entre les établissements mais aussi avec le secteur sanitaire pour l’amélioration des pratiques professionnelles partagées et harmonisées.

6. Soutenir l’attractivité des métiers de la santé

  • Promouvoir la pluralité et la qualité de l'offre de formation avec les partenaires
  • Poursuivre les actions coordonnées sur les territoires pour améliorer l’attractivité et faciliter le quotidien des professionnels

Des actions qui paraissent aux yeux du Département "peu innovantes" dans la mesure où la collectivité a déjà déployé, depuis quelques années, des aides similaires, que cela soit pour favoriser l'installation de professionnels de santé ou le retour à l'emploi des allocataires du RSA. Par ailleurs, il note avec regret qu'il est "exclu de la quasi-totalité des actions qui présentent un intérêt en matière d’attractivité des métiers du soin", proposés par l'ARS.

Le Département propose donc de : 

  • Soutenir et développer les initiatives pour faciliter les recrutements des professionnels en ESMS en lien avec le déploiement de la gouvernance partagée des politiques d’insertion et d’emploi sur les territoires (suite du SPIE)
  • Réfléchir avec les acteurs locaux à la question de l’offre d’accueil globale pour le professionnel et sa famille (conjoint notamment)

En conclusion de quoi "les propositions faites actuellement sont insatisfaisantes", a résumé la présidente. Et de déplorer "la non prise en compte des spécificités des besoins des Audois en écartant le territoire de certains objectifs du Plan régional de santé (seulement 12 sur les 26 régionaux) alors même que des éléments de diagnostic tangibles sont connus de tous les acteurs". L'assemblée départementale a par conséquent rendu un avis réservé. Avis qui pourrait être revu "si et seulement si l'intégralité des propositions est prise en compte dans le document final du projet de schéma régional".